Cette pub boycottée n’a rien à vendre

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POLITICO Pro Paris Influence
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Par PAUL DE VILLEPIN

Avec ALEXANDRE LÉCHENET, OCÉANE HERRERO et AURORE GORIUS

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LE MENU DU JOUR

— Les maires, des “entrepreneurs des énergies renouvelables” qui s’ignorent.

— L’Ademe fait de la pub pour ne rien acheter ? Les commerçants s’étranglent…

— pendant que l’Elysée s’emploie à rallumer la flamme des ETI.

Bonjour à toutes et à tous, difficile de passer à côté, hier, de l’offensive de communication de Vivendi sur le bouclage du rachat du groupe Lagardère : entretien croisé d’Arnaud Lagardère, Yannick et Vincent Bolloré au Figaro, communiqués de l’un et de l’autre, et même communication interne à l’endroit des salariés de Lagardère via un joli courrier signé du boss que votre infolettre a récupéré.

Dans sa grande joie, Vivendi a eu l’air d’oublier être encore sous le coup d’une enquête de la Commission européenne, ouverte le 25 juillet, pour déterminer si, dans les faits, son influence sur les affaires de Lagardère a commencé avant le feu vert de Bruxelles. Dès l’été 2022, plusieurs journalistes de Paris Match ont quitté le titre en dénonçant une reprise en main éditoriale par Vincent Bolloré.

ÉNERGIES

SALON DES EN’MAIRES. “Le nucléaire on s’en charge, mais les renouvelables, on aura besoin de vous.” Dans l’espace très commercial du Salon des maires, Agnès Pannier-Runacher a pris hier le micro pour encourager les élus-visiteurs — qu’elle décrit comme des “entrepreneurs des énergies renouvelables” — à se faire les relais locaux du développement des ENR.

Interrogée par plusieurs congressistes sur l’éolien, elle a rappelé que la Somme avait fait sa part mais que d’autres départements ne pouvaient pas en dire autant. Pour la ministre de la Transition énergétique, si on veut contrôler l’installation des turbines, il suffit de définir des zones d’accélération pour dessiner en miroir des zones d’interdiction.

Dans sa besace pour cette opé séduction : un réseau d’élus référents organisé par l’Ademe, des fiches pratiques ou encore, pour la fin de l’année, une nouvelle version de la cartographie des zones d’accélération — il faut dire que la première mouture avait fait des déçus. Croisé dans les travées du salon par mon collègue Alexandre Léchenet, un représentant du réseau Amorce a poussé son outil Excel, bien plus efficace selon lui, puisqu’il part des besoins des collectivités.

On décale. “Le 31 décembre n’est pas une date couperet”, a également rappelé la ministre sur la réalisation par les maires du zonage des ENR. “Cette échéance était fixée à novembre dans la loi, repoussée à décembre par un guide pratique sans aucun changement législatif ou réglementaire (Hans Kelsen en PLS), pour qu’au final on nous dise que c’est pas une date couperet !”, persifle un porte-parole d’asso d’élu très calé en hiérarchie des normes.

C’EST POUR DEMAIN. La stratégie française en matière d’énergie et de climat devrait être proposée à la consultation aujourd’hui, mais la France a déjà envoyé sa copie — sous réserve de modifications — à la Commission européenne. Un document qui reprend les principaux objectifs annoncés par la ministre depuis plusieurs mois et confirme la relance du nucléaire.

À TOUT PRIX. La consultation publique sur le prix de l’électricité et le mécanisme qui prendra la suite de l’Arenh est lancée aujourd’hui, et dure jusqu’au 20 décembre.

CONSOMMATION

PUBLICITÉ DÉVENDEUSE. La dernière campagne de com’ de l’Ademe, lancée fièrement le 14 novembre par Christophe Béchu et Sylvain Waserman, passe mal. La CPME et la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) veulent tout bonnement la débrancher.

Si vous ne l’avez pas vue, la campagne, dont le patron de l’agence publique nous disait vendredi qu’elle s’adressait “à l’intelligence des gens”, promeut la consommation responsable et met en scène des “dévendeurs” (sic) qui proposent… de ne pas passer à la caisse. “Si vous avez besoin que je vous déconseille d’autres achats, ça épargnera la planète”, entend-on par exemple dans ce clip.

Ça sort les gros maux. La CPME condamne “une véritable gifle aux commerçants qui subissent l’inflation de plein fouet” et reproche des “clichés simplistes”. Jacques Creyssel, à la tête de la FCD, s’emporte contre une “campagne honteuse” et estime qu’il est temps “de se poser la question de l’utilisation des fonds publics de l’Ademe”.

Ça se défend. L’Ademe assume sa campagne et indique qu’elle “n’a vocation ni à empêcher les achats, ni à culpabiliser les consommateurs”, y voyant “un combat pour un récit différent, qui doit être celui de la solution, de la sobriété et de la qualité de vie”.

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ÉCONOMIE

ALLUMEZ LE FEU. Emmanuel Macron a entamé hier sa “séquence économique” en recevant une centaine de petits patrons. Il en a profité pour lever le voile sur le programme ETIncelles. Derrière cette subtile appellation, le programme se propose d’accompagner de manière privilégiée, d’ici à la fin du quinquennat, 500 PME à fort potentiel pour les transformer en entreprises de taille intermédiaire (ETI). “Sur le modèle de ce qui a été fait pour la French Tech”, précisaient ses conseillers lors d’un brief.

Abracadabra. Il faut fluidifier au maximum les relations des entreprises avec les services de l’Etat et lever les blocages administratifs, a seriné le PR. Ces mêmes blocages contre lesquels pestaient, dans une tribune, les boss du Medef, de la CPME et de l’Union des entreprises de proximité, assis au premier rang dans la salle des fêtes. 

Parmi les principaux verrous à débloquer, relevés par cinquante PME cobayes du programme, figurent la commande publique et l’export. Pour mieux se vendre à l’étranger, l’exécutif va davantage subventionner les PME pour aider les petits patrons à se rendre plus fréquemment dans les salons internationaux afin d’y vanter leurs savoir-faire.

“Plutôt que de saupoudrer partout, il faut cibler géographiquement et par secteur”, recommande Charles Rodwell, aussi présent à l’Elysée. Le député Renaissance, missionné par Elisabeth Borne pour plancher sur l’attractivité, veut voir davantage de salons être organisés en région. En tête : les modèles du Bourget, du Salon de l’agriculture ou encore de Maison&Objet.

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

LA POULE ET L’ŒUF. Dans sa volonté de réguler les progrès de l’intelligence artificielle générative, le Parlement européen se heurte à l’Allemagne, la France et l’Italie. Derrière ce mur, le Parlement soupçonne l’influence de deux start-ups basées de part et d’autre du Rhin, rapporte mon collègue Gian Volpicelli par ici.

Leurs noms : la Française Mistral AI et l’Allemande Aleph Alpha. Les deux jeunes pousses cristallisent les espoirs de leurs gouvernements respectifs de faire grossir des champions de l’IA et s’appliquent donc à soigner leur image, tout en faisant valoir des réserves vis-à-vis de l’AI Act européen, censé les réguler.

“Nous faisons ce que les autres entreprises, y compris les Big Tech américaines, font mais à une échelle bien plus réduite”, s’est défendu Tobias Haar, représentant d’Aleph Alpha au niveau européen, auprès de Gian. L’entreprise allemande parvient en tout cas à jouer aujourd’hui “un rôle de premier plan dans l’articulation et la promotion de la résistance contre la loi sur l’IA auprès des décideurs allemands”, selon un membre de l’équipe de négociation du Parlement européen.

Chief lobbyist. Le Français Mistral AI n’est pas en reste et bénéficie de l’entremise de l’ancien ministre du Numérique Cédric O, tant auprès du gouvernement qu’au niveau européen.

BUDGET 2024

F COMME FRAGILE. Voilà la note que l’on pourrait attribuer au budget de la France si l’on lit entre les lignes des recommandations de la Commission européenne. Publiées hier dans le cadre de la coordination des politiques budgétaires, les remarques de Bruxelles concluent que le budget concocté par Bruno Le Maire risque de ne pas être aligné avec les règles européennes en matière de dette et de déficit.

Minute papillon. Bercy ne prévoit pour autant pas de modifier manu militari son projet de loi de finances 2024, qui arrive en séance au Sénat demain. “En risque de non-conformité, ça ne veut pas dire que nous ne sommes pas en conformité”, nous indique un haut fonctionnaire bercien. Notons que Paris n’est pas le seul mauvais élève, puisque la Belgique, la Finlande et la Croatie ont aussi reçu un avertissement, détaillent mes collègues dans cet article.

À LIRE AILLEURS

— Les oligarques ukrainiens, victimes collatérales de la guerre (Les Echos)

— Cooperl : enquête sur un géant du porc (Splann)

— Campagne de pub : la mission du BCG qui fait la promo des distributeurs (Consultor)

MERCATO

Emmanuel Macron veut renouveler Marie-Laure Denis dans ses fonctions de présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). En poste depuis 2019, elle devra faire valider sa reconduction par le Parlement.

Michel-Alain Proch, actuel directeur financier de Publicis, va rejoindre le London Stock Exchange Group, l’opérateur de la Bourse de Londres où il succèdera à Anna Manz.

Julien Anfruns, associé chez DS Avocats et ancien directeur des affaires réglementaires et de la communication de Philip Morris International, rejoint le think tank EuropaNova en tant que secrétaire général.

Un grand merci à : notre éditeur Jason Wiels.