Avec sa taille haute et sa parka rouge, il est devenu la cible immanquable des Verts, militants associatifs comme politiques. Mais Laurent Wauquiez le leur rend bien : entre eux, c’est la guérilla permanente.
Dernier épisode en date : le refus du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes de mettre sur pied le comité régional de l’énergie (CRE), réclamé par la loi d’accélération des énergies renouvelables.
Il s’oppose à la composition proposée par la préfète pour une raison simple : France Nature Environnement (FNE) devrait y avoir un siège. Et tant pis s’il est le seul président de région à ne pas l’avoir mis sur pied.
“Il nous a désignés comme ennemi public numéro un”, regrette Eric Ferraille, le trésorier général de l’association, qui ne passe pourtant pas pour la plus radicale.
“Nous sommes punis, déplore Michel Jarry, le président régional de l’association. A la région, nous n’avons plus de point de contact depuis longtemps et n’avons plus accès à la moindre subvention.”
“Laurent Wauquiez a une particularité, il fait du combat contre l’écologie un argument politique”, persifle un ministre. Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes joue la ruralité et le bon sens des champs contre des écologistes décroissants qu’il qualifie parfois d’“ayatollahs”.
Ainsi avait-il, dès les premiers mois de son mandat à la tête de la région en 2016, redirigé les subventions attribuées aux associations écologistes et environnementalistes vers les fédérations de chasseurs. Il n’a, depuis, renouvelé aucune des conventions de la région avec la FNE.
Oppositions nationales
Au niveau national aussi, il n’hésite pas à défier les obligations légales. L’automne dernier, il a rejeté l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN), voté en 2021 dans le cadre de la loi Climat et résilience pour encourager la sobriété foncière. Il le qualifie de “ruralicide” et promet de ne pas le mettre en œuvre.
Quelques semaines plus tôt, trois ministres prenaient la plume pour s’inquiéter du retrait financier de la région dans le dispositif France Rénov, qui prodigue des conseils en matière de rénovation énergétique.
Laurent Wauquiez justifie ces décisions par son opposition à une “idéologie de la déconstruction” qui “ne promet que (…) la décroissance, la multiplication des taxes, des interdictions et des normes”, ainsi qu’il l’égrène dans une réponse écrite transmise à POLITICO.
Un homme d’actions
A écouter ses proches, il ne faudrait pas se fier aux apparences. Laurent Wauquiez serait un écologiste incompris capable de prononcer des mots magiques comme “montagne durable” ou “patriotisme environnemental”. Il revendique surtout ses actes.
L’ambition affichée est de faire de sa région le premier territoire à neutralité carbone avant 2050. Il mise notamment sur l’hydrogène vert, ayant investi dans cette filière dès 2017.
Début mars, il a par exemple annoncé vouloir miser sur l’énergie solaire, grâce au fonds d’investissement régional Oser qu’il entend recapitaliser à hauteur de 12 millions d’euros. Cela doit permettre de passer d’un peu plus de 2 gigawatts installés dans la région aujourd’hui à 13 gigawatts d’ici 2050.
Dans le même temps, il a prononcé l’oraison funèbre de l’énergie éolienne, déclarant ne plus en vouloir sur son territoire et cesser tout financement. L’industrie du vent dénature les paysages, demande 1 000 tonnes de béton dans le sol par mât et dégrade la biodiversité, insiste son équipe à la région.
Voilà pourtant un sujet sur lequel il pourrait se retrouver en accord avec la FNE, qui ne conteste pas la conclusion “pas débile” du président de région. Eric Ferraille résume : “Nous ne sommes pas une région à vent, pas une région de plaines, alors que du soleil, nous en avons.”
Un professionnel du secteur s’en étrangle encore : “C’est une erreur stratégique. Ce retournement de veste est une posture politique : il s’aligne sur les positions du Rassemblement national pour essayer de les siphonner.”
Contradictions locales
Surtout que le “patriotisme environnemental” de Laurent Wauquiez peine à se mettre en œuvre, soulignent les élus écologistes. “Dans le solaire, nous avions deux fleurons, Photowatt et Ferropem, mais il n’a rien fait pour les sauver alors qu’il y avait matière à constituer une filière”, accuse la cheffe du groupe à la région, Fabienne Grébert.
“Nous avions aussi une entreprise comme Carbon qui cherchait des terrains pour sa gigafactory mais on n’a pas été foutus d’en trouver, alors que le siège social est à 200 mètres de celui de la région”, ajoute-t-elle encore.
Un représentant de Carbon se montre plus diplomate : “Nous avons d’abord cherché un site en Auvergne Rhône-Alpes mais il n’y avait pas de site clef en main de 50 hectares. Ce n’était pas une question de mauvaise volonté ni d’un côté ni de l’autre.”
La gigafactory s’implantera finalement à Fos-sur-Mer, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui a déroulé le “tapis rouge” pour le projet, selon Fabienne Grébert.
Sur la montagne aussi, les élus écolos regrettent les choix du conseil régional. Ils s’appuient volontiers sur un rapport de la chambre régionale des comptes de février dernier qui pointe “le choix d’une stratégie d’adaptation au changement climatique centrée sur la sécurisation de la production de neige” et qui ne laisse qu’une place “marginale aux investissements liés à la diversification des activités touristiques”.
“Nous refusons l’impasse de l’écologisme d’extrême gauche qui fonctionne de façon idéologique et qui consiste à arrêter toute activité sous prétexte de sauver la montagne”, réplique-t-on à la région.
Deux méthodes, un même objectif
Sur l’opposition aux éoliennes ou la réticence à la sobriété foncière, Laurent Wauquiez ne dépare pas des opinions de Xavier Bertrand, son homologue dans les Hauts-de-France — et adversaire annoncé pour mener la droite à l’élection présidentielle de 2027. Mais la méthode diffère.
Xavier Bertrand a ainsi été parmi les premiers à nommer son comité régional de l’énergie, non sans y proposer un siège à Bénédicte Coste Leclerc de Hauteclocque, présidente de la Fédération Stop Éoliennes Hauts-de-France.
Et s’il ne tarit pas de reproches sur la mise en œuvre de l’objectif ZAN, il ne “s’oppose pas” à sa mise en œuvre, comme il le confiait à POLITICO en janvier.
En Auvergne-Rhône-Alpes, après son coup de chaud automnal, Laurent Wauquiez a retrouvé une raison hivernale. Dans un courrier envoyé aux élus, il annonce revenir dans le dispositif ZAN, se félicitant d’un “important infléchissement” du ministre Christophe Béchu.
Des évolutions qui ne sont ni spécifiques à la région, ni nouvelles, rétorque le cabinet du ministre. Depuis, le ministère de la Transition écologique joue la “réconciliation”, dixit un conseiller et ne veut pas “braquer” Laurent Wauquiez.
Mais si le gouvernement croit le président de région converti, il se trompe lourdement. L’équipe du président rappelle opportunément les tentatives anti-ZAN récentes de Bruno Le Maire pour dépeindre un ZAN anti-industries et promet que le conseil régional “poursuit ses discussions avec le ministère [de la Transition écologique] pour tenter de limiter l’impact de ce texte bureaucratique sur nos territoires”. Un texte qui serait digne d’une logique “kafkaïenne”.
Entre Laurent Wauquiez et l’écologie, l’heure est toujours au procès.