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Le journaliste américain de la chaîne ABC, David Muir, a donné à Donald Trump deux occasions de dire s’il souhaitait que l’Ukraine inflige une défaite à la Russie.
Mais Trump ne les a pas saisies.
A la place, l’ancien président a indiqué qu’il chercherait à mettre fin au conflit par la négociation. Et il n’attendra pas le début de son second mandat : il tentera de conclure un accord entre l’Ukraine et la Russie, dotée de l’arme nucléaire, immédiatement après l’élection.
“C’est une guerre qui meurt d’envie d’être réglée”, a-t-il déclaré, lors du débat face à Kamala Harris mardi.
Donner à Donald Trump la possibilité de répondre “oui” à la question de savoir s’il souhaitait voir l’Ukraine l’emporter était lui offrir l’opportunité sur un plateau, si c’était ce qu’il voulait. Après tout, même la plupart de ceux parmi les républicains qui critiquent la politique de l’administration Biden en Ukraine donneraient naturellement leur soutien à la souveraineté du pays.
En refusant de répondre directement à la question, Trump a finalement donné un aperçu éclatant de la manière dont il aborderait la guerre en Ukraine. Ses commentaires ont mis en évidence une sorte de vision cohérente du monde sur la situation en Ukraine — et ouvert une potentielle fenêtre sur une version trumpienne de la realpolitik qui pourrait guider un second mandat, s’il était élu. Cela pourrait signifier une administration Trump beaucoup moins disposée à défier une Russie expansionniste et plus encline à conclure des accords.
La vice-présidente Kamala Harris a profité de cette réponse pour présenter son adversaire comme un faire-valoir de Vladimir Poutine — qu’elle a qualifié de “dictateur qui vous mangerait au déjeuner” — et un ami des autocrates. “Si Donald Trump était président, Poutine occuperait Kiev en ce moment même”, a-t-elle lancé.
“Donald Trump ne dit pas qu’il veut que l’Ukraine gagne la guerre ? Je pensais qu’il ferait au moins semblant…”, a réagi le secrétaire américain aux Transports, Pete Buttigieg, sur X.
Mais Trump n’a rien cédé de son refus de soutenir explicitement un succès de l’Ukraine, s’en tenant à son argument selon lequel un accord est le meilleur moyen de mettre fin à la guerre.
“Je les réunirai”
Cet épisode souligne, une fois de plus, comment Trump pourrait, en cas de réélection, éloigner la ligne des républicains sur la politique étrangère de ses racines reaganiennes. Il est d’autant plus frappant que les accusations de collusion avec la Russie ont entaché le mandat de Trump au Bureau ovale.
Ses commentaires sur l’Ukraine contrastent quelque peu avec ses réponses plus floues, fausses ou sinueuses sur d’autres sujets. En ce qui concerne sa théorie sur l’Ukraine, Trump a semblé tenir la promesse qu’il avait faite au début du débat de mardi : “Tout le monde sait que je suis un livre ouvert.”
David Muir a posé la question sans détour : “Vous avez dit que vous résoudriez cette guerre en vingt-quatre heures. Vous l’avez dit juste avant la pause de ce soir. Comment feriez-vous exactement ? Et je voudrais vous poser une question très simple ce soir : voulez-vous que l’Ukraine gagne cette guerre ?”
Comme toujours, la réponse de Donald Trump — “je veux que la guerre s’arrête” — était centrée sur sa perception de ses propres compétences en matière de négociation, et sur son affirmation selon laquelle il aurait empêché une guerre dès le départ.
“Je connais très bien [le président ukrainien Volodymyr] Zelensky et je connais très bien Poutine. J’ai de bonnes relations. Et ils respectent votre président. OK ? Ils me respectent. Ils me respectent. Ils ne respectent pas Biden. Comment pourrait-on le respecter ? Pourquoi ? Pour quelle raison ? Il n’a même pas téléphoné à Poutine en deux ans”, a affirmé le candidat républicain.
“Je réglerai cette question avant même de devenir président. Si je gagne, quand je serai président élu, ce que je ferai c’est : je parlerai à l’un, je parlerai à l’autre, je les réunirai”, a-t-il poursuivi.
Puis, Muir l’a réinterrogé : “Pour clarifier la question, pensez-vous qu’il est dans l’intérêt des Etats-Unis que l’Ukraine gagne cette guerre ? Oui ou non ?”
Et Donald Trump a renchéri : “Je pense qu’il est dans l’intérêt des Etats-Unis de terminer cette guerre et d’en finir. (…) Négocier un accord. Parce que nous devons arrêter la destruction de toutes ces vies humaines.”
Trump s’est également montré extrêmement direct sur un sujet que Biden et la plupart des dirigeants américains contournent : la dissuasion nucléaire de la Russie. Et il a indiqué que, selon lui, cela ne valait pas la peine d’acculer Poutine.
“Il a une chose que les autres n’ont pas. Il a des armes nucléaires. Ils n’en parlent jamais. Il a des armes nucléaires”, a répété le candidat républicain. “Personne n’y pense jamais. Et finalement, peut-être qu’il les utilisera. Peut-être qu’il n’a pas été aussi menaçant. Mais il a cela. Quelque chose dont nous n’aimons même pas parler. Personne n’aime en parler.”
Malgré le soutien de Harris et Biden à l’Ukraine, Trump dit tout haut ce qu’au moins certains membres de l’administration actuelle disent tout bas : une fin négociée de la guerre pourrait finalement être dans l’intérêt de toutes les parties.
Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais et a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.