Elon Musk, Guillaume Kasbarian, même combat

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Par ÉMILE MARZOLF

Avec OCÉANE HERRERO & KLARA DURAND

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AU MENU

— Guillaume “Musk” Kasbarian part à l’assaut de la bureaucratie.

— Démarchage téléphonique : la guerre est (re)déclarée.

— Petit répit pour les sites porno avant un blocage imminent.

Bonjour à toutes et à tous, nous sommes jeudi 14 novembre et vous lisez Tech Matin.

LE FAIT DU JOUR

ELON-IFIER L’ADMINISTRATION. Le ministre de la Fonction publique et de la Simplification Guillaume Kasbarian doit rencontrer aujourd’hui les députés rapporteurs du projet de loi simplification à l’Assemblée. Le rendez-vous est attendu avec impatience par Ian Boucard (DR), président de la commission spéciale chargée du texte, qui espère que le ministre pourra préciser sa vision de la simplif, après son post sur X hier. Guillaume Kasbarian y félicitait Elon Musk pour sa nomination à la tête d’un ministère de l’“Efficacité gouvernementale”.

L’idée plaît à Ian Boucard, qui souhaite que le texte de loi sur la simplification aille plus loin à l’issue de son passage à l’Assemblée. “Il y a toujours un risque que les textes de simplification accouchent d’une souris”, juge-t-il. Sur le volet numérique, pas question pour lui de revenir sur l’article facilitant l’installation de data centers, ou sur la suppression de la Commission supérieure du numérique et des postes (CSNP) — il souhaite même élargir les critères de suppression de comités jugés redondants.

Le temps est compté : l’audition formelle du ministre sur le PJL simplif est prévue le 10 décembre, tandis que l’examen du texte en commission devrait débuter la semaine du 16 décembre.

Au-delà d’Ian Boucard — et de la présidente de la région Ile-de-France Valérie Pécresse, qui s’est également fendue d’un post approbateur sur X —, la communication de Guillaume Kasbarian n’a pas fait l’unanimité. Cet hommage au patron de Tesla et Space X, qui aura pour mission de “démanteler la bureaucratie gouvernementale”, a suscité colère et inquiétude dans une partie du monde politique et syndical.

De quoi pousser la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon à clarifier hier : “Elon Musk et le gouvernement Trump ne sont pas des inspirations pour le gouvernement. Il ne faut y avoir aucune convergence.” Le cab de Kasbarian a également tenté de rectifier le tir en déclarant que “saluer la nomination d’un homologue, dont l’exécutif a été élu démocratiquement, ne vaut pas adhésion”.

DROITS VOISINS

LAISSE BÉTON. Google a dû rétropédaler. Le tribunal de commerce de Paris lui a ordonné, hier, de renoncer à un test consistant à priver de contenus de presse 1% de ses utilisateurs dans plusieurs pays, dont la France. Les éditeurs avaient été prévenus vendredi de ce projet. Dans la foulée, la justice avait été saisie, via une procédure d’urgence, par le Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM).

Opération limitée. Le géant de la tech prévoyait de mener cette expérimentation “de petite taille, et limitée dans le temps” à compter d’aujourd’hui. En France, elle aurait tout de même concerné quelque 550 000 personnes.  

C’est non. Dans son argumentaire, le SEPM, qui est en négociations depuis plusieurs années avec Google sur le versement des droits voisins, a fait valoir que ce projet était “frontalement contraire aux engagements que l’entreprise a souscrit en 2022 auprès de l’Autorité de la concurrence”. Pour rappel, ils prévoient notamment que “Google s’engage à ce que l’existence et l’issue des négociations […] n’affectent ni l’indexation, ni le classement, ni la présentation des contenus protégés repris par Google sur ses produits et services”.

Astreinte. L’injonction faite à Google LLC, Google Ireland et Google France de suspendre ce projet est assortie d’une astreinte allant jusqu’à 900 000 euros par jour, dans l’attente de la décision du juge des référés.  

Surpris. “Nous sommes très surpris par la position du SEPM”, a réagi Google dans un communiqué, cité par l’AFP. Il affirme avoir cherché à collecter des données auprès d’un nombre limité d’internautes, car “des autorités administratives indépendantes et des éditeurs de presse nous ont demandé plus d’informations quant à l’impact de l’affichage des contenus d’actualité dans notre moteur de recherche”.

Télécoms

GROSSE BERTHA. Finies les estocades des dernières années pour limiter les abus, le sénateur Pierre-Jean Verzelen veut porter un coup fatal au démarchage téléphonique. Son texte visant à interdire cette pratique est examiné ce matin par le Sénat. “Les précédentes mesures sont insuffisantes : comme tout le monde, je reçois encore trop d’appels, tout simplement parce que chaque Français est aujourd’hui considéré comme étant OK pour être démarché”, justifie-t-il auprès de votre infolettre.

In-N-Out. Pour y remédier, le sénateur veut “inverser la donne” et basculer d’un modèle d’opt-out à un modèle d’opt-in. Traduction : le démarchage serait interdit par défaut, sauf pour les personnes qui ont délibérément et explicitement donné leur accord en s’inscrivant sur une liste. Soit exactement l’inverse de Bloctel, qui permet aujourd’hui d’exprimer son refus d’être démarché et de signaler les numéros fautifs. Le sénateur y voit aussi un moyen de réduire les marges de manœuvre des fraudeurs.

Reculade ? La rapporteure du texte Olivia Richard (UC) craint “la mort du démarchage”, et se montre plus mesurée pour préserver les emplois. La liste de consentement général au démarchage n’étant pas conforme au RGPD, comme elle l’a indiqué à mes collègues de Paris Influence, le texte a été largement remanié hier en commission. A la place, la sénatrice préfère la bonne vieille case à cocher en bas d’un formulaire, comme c’est déjà le cas pour le démarchage par SMS ou par mail.

Mollo mollo. Elle n’est pas la seule à vouloir contenir les velléités de Pierre-Jean Verzelen. Le secteur des télécoms aimerait lui aussi avoir le temps de souffler après la loi Naegelen de 2020. Cette dernière visait, déjà, à encadrer le démarchage et lutter contre la fraude : restrictions sur les horaires et jours d’appels, nouvelles sanctions pour les fautifs, et mise en place d’un détecteur d’appels frauduleux par les opérateurs télécoms.

SuperMAN. Ce “mécanisme d’authentification des numéros” (MAN) vient seulement de prendre du service, et les premiers appels ont été bloqués en octobre. Mais il est encore loin d’être parfait. D’ailleurs, il ne couvre pour l’instant que les appels de téléphone fixe à téléphone fixe. Aussi, le DG de la Fédération des télécoms, Romain Bonenfant, estime plus judicieux d’attendre que la loi de 2020 produise ses effets, et d’en “faire le bilan avant d’envisager de nouvelles mesures”, qui pourraient pénaliser les démarcheurs “légitimes”, sans pour autant compliquer la vie des fraudeurs.

Données

LA DATA, C’EST LEUR DADA. C’est aujourd’hui que se réunissent en conclave les “chief data officers” de l’Etat. La directrice interministérielle du numérique (Dinum) convoque cet après-midi les représentants des ministères pour un comité interministériel des données, le deuxième et dernier de l’année. Le ministre Guillaume Kasbarian ne sera toutefois pas de la partie — ses prédécesseurs aussi ne s’y rendaient que de façon occasionnelle.

Au menu : un état des lieux des chantiers en cours de la Dinum pour faciliter le partage de données entre administrations et donc leur exploitation, mais aussi pour déployer l’intelligence artificielle. Celle-ci devrait bientôt intégrer différents outils à la main des agents publics, notamment pour générer des comptes-rendus de visioconférences.

Mais surtout, ce comité sera l’occasion de lancer des travaux de mise à jour de la stratégie de l’Etat en matière de données. Cinq priorités ont été préidentifiées, selon l’ordre du jour consulté par votre serviteur : la simplification administrative, l’aide au pilotage des politiques publiques et la performance administrative, la création de valeur, la transparence, et — c’est tout neuf — la lutte contre la fraude.

Cercle de parole. Réunis en petit groupe, les administrateurs des données partageront leurs “attentes et suggestions” sur les priorités de la stratégie et sur ce que la Dinum peut faire pour les ministères. L’occasion de faire remonter les éventuels “blocages d’ordre interministériels” qu’ils peuvent rencontrer.

PORNOGRAPHIE

J’AI TENDANCE À BLOQUER. Presque un mois s’est écoulé depuis la décision de la cour d’appel de Paris de bloquer quatre sites pornographiques en France : Xhamster, Tukif, Mrsexe et Iciporno. Toutefois, votre infolettre a constaté que ces sites sont toujours accessibles aux internautes français.

Et pour cause : les fournisseurs d’accès à internet (FAI) ne se sont pas encore vu signifier l’arrêt exécutoire leur permettant de lancer la suspension des sites, a appris ma collègue Klara Durand auprès de la Fédération française des télécoms. Du côté des associations plaignantes, leur avocat maître Frédéric Benoist indique n’avoir reçu ce document que la semaine dernière. Sa transmission aux FAI ne devrait donc plus tarder.

Retardataires. Ce délai supplémentaire est le bienvenu pour le quatuor, sommé de se mettre en conformité avec la législation française, en contrôlant l’âge des utilisateurs. Tukif testerait actuellement des “solutions de vérification d’âge”, d’après un fin connaisseur de l’industrie.

Malinx le lynx. Mrsexe a quant à lui décidé de “s’autosuspendre” en “l’absence de solution technique à la fois fiable et économiquement viable”, indique le site dans un communiqué. Et de renvoyer vers… un autre site X, Snap Mrsexe — qui, lui, ne semble pas visé par la décision de la cour d’appel.

AGENDA

A partir de 9 heures, Bercy organise un événement sur la gouvernance publique de l’IA.

A partir de 10h30, le Sénat examine en séance publique la PPL visant à interdire le démarchage téléphonique.

MERCATO

Tout droit venue de la Commission européenne, Alexandra Paul dirige désormais les affaires publiques de Pasqal, la pépite française de l’informatique quantique.

Comme vous avez pu le lire dans votre infolettre préférée dès la semaine dernière, le centriste Olivier Cadic a bien été désigné président de la nouvelle commission spéciale du Sénat chargée d’examiner le projet de loi transposant notamment la directive NIS2. Les trois rapporteurs ont également été nommés (Michel Canévet, Patrick Chaize et Hugues Saury), ainsi que l’ensemble des membres de la commission, à retrouver ici.

Les Armées ont un nouveau directeur général du numérique (par intérim), en la personne de Thierry Naville, après que Vincent Tejedor a rejoint le cabinet du ministre délégué à l’Industrie Marc Ferracci.

RESTEZ BRANCHÉS

— Rodolphe Saadé investit dans la vidéosurveillance algorithmique en entrant au capital de la start-up XXII, révèle La Lettre.

La Tribune nous raconte comment les artistes partent en guerre contre l’intelligence artificielle pour sauver leur job.

— TF1, France télévisions et M6 s’unissent pour peser contre les Gafa, nous apprennent Les Echos.

Un grand merci à : notre éditrice Tiphaine Saliou et Jean-Christophe Catalon.