IA : tu te régules ou je te régule ?

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Par ÉMILE MARZOLF

Avec OCÉANE HERRERO & KLARA DURAND

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AU MENU

— Forum de Paris sur la paix : l’Elysée mise gros sur l’IA. Au détriment du reste ?

— PJL ou PPL, la lutte contre les écrans repart de plus belle.

— Droits voisins : la presse veut forcer le dialogue avec LinkedIn et Microsoft.

Bonjour à toutes et à tous, nous sommes mardi 12 novembre et on se réveille avec des chiffres décoiffants sur la consommation de vidéos pornographiques chez les plus jeunes. Selon le tout nouvel Observatoire de l’audience des plateformes de l’Arcom, près de 40% des 12-17 ans se rendent une fois par mois sur un site pour adultes — de quoi conforter le régulateur dans son combat contre ceux qui ne vérifient pas l’âge de leurs visiteurs.

Podium. La publication nous dévoile également le classement des sites qui “captent” le plus l’attention de leurs utilisateurs : la médaille d’or revient à Snapchat, suivi d’assez près par TikTok, tous deux loin devant Facebook et YouTube, deux réseaux de “boomers”.

LE FAIT DU JOUR

JE JURE SOLENNELLEMENT. A trois mois du sommet mondial sur l’IA, qui se tiendra en France, l’heure est aux déclarations de bonnes intentions pour les entreprises d’intelligence artificielle. Dans le cadre du Forum de Paris sur la paix, des poids lourds du secteur doivent se réunir aujourd’hui pour travailler sur une actualisation du “Tech Accord”.

Le Tech quoi ? Souvenez-vous : en février dernier, votre infolettre vous révélait qu’Adobe, Microsoft, Meta, Google ou encore Anthropic s’étaient engagées en faveur de l’autorégulation face aux deepfakes électoraux, en amont d’une année bardée de scrutins à travers le monde.

Lisez encore. L’enjeu de la réunion du jour est, selon une invitation que nous avons consultée, d’“évaluer les risques liés aux contenus électoraux générés par AI”, mais aussi de discuter de l’avenir du fameux “Tech Accord” et d’établir un plan d’action d’ici au sommet sur l’IA de février.

Je me régule, tu me régules. Reste à savoir si cet engagement volontaire suffira à ravir les régulateurs. Ma collègue Océane Herrero avait un doute hier matin, au palais de Chaillot, où s’est tenue la première journée du Forum de Paris sur la paix. Au cours d’une table ronde — avec notamment Anthropic, Amazon, Microsoft et OpenAI —, l’ambassadeur pour le numérique Henri Verdier a émis des réserves sur la démarche des entreprises.

Et ça, et ça aussi. Verdier — qui est chargé du volet “gouvernance mondiale” du sommet sur l’IA — a rappelé que ces entreprises ne devaient pas seulement chercher “la confiance des consommateurs, mais aussi leur sécurité”. Il a ajouté qu’au-delà de cette question, les enjeux de propriété intellectuelle et de consommation énergétique inhérente à cette technologie devaient aussi faire l’objet d’engagements.

Le sommet “devra aller aussi loin que possible dans la corégulation et la cogouvernance”, a-t-il ajouté. “Seules les entreprises peuvent trouver des solutions. Sous notre amicale pression.”

ET PENDANT CE TEMPS. Le Forum sur la paix, focalisé sur l’IA, en oublierait presque les jolis projets lancés ces dernières années. A savoir, le Laboratoire de protection de l’enfance en ligne, censé expérimenter des solutions techniques face à la pédopornographie ou pour le contrôle de l’âge par exemple, ainsi que l’Appel de Christchurch, initiative pour faciliter la lutte contre les contenus terroristes.

On en est où ? Les acteurs associatifs et les entreprises sollicitées par Océane font état de leur déception face à ces projets dont les productions concrètes se font attendre. Vous en saurez plus dans son article.

PROTECTION DE L’ENFANCE

STRATÈGE. Cela ne vous aura pas échappé : les décrets d’attribution ont été dévoilés la semaine dernière ! Mais difficile de savoir précisément qui sera en lead sur le brûlant dossier des écrans et de la protection des mineurs. La ministre déléguée à la Famille et la Petite enfance, Agnès Canayer, entend en tout cas s’emparer rapidement du sujet. Son cabinet nous indique travailler déjà sur une “stratégie écrans”, confirmant une information de Contexte. Plus précisément, une stratégie élaborée avec l’Elysée, puisque “le président veut continuer à porter cette thématique”, précise l’entourage de la ministre.

Travail collectif. Dans les tractations, le secrétariat d’Etat à l’Intelligence artificielle et au Numérique n’est pas en reste. Clara Chappaz semble bien partie pour s’occuper des liens avec les plateformes, dont certaines ont déjà été contactées. Dans les semaines à venir, une rencontre entre Canayer et Chappaz est prévue pour aborder “plus en détail” ce dossier, confirme son cabinet. L’Education nationale, quant à elle, ne devrait pas prendre part à cette “stratégie écrans”.

L’objectif est de “synthétiser” les rapports parus sur les dangers des écrans pour développer “une prévention efficace”, détaille le cabinet d’Agnès Canayer auprès de ma collègue Klara Durand. Doit-on alors s’attendre à une énième campagne de sensibilisation ? “Pas forcément”, nous répond-on. L’option législative n’est pas écartée, même si l’hypothèse d’un projet de loi est, à ce stade, peu probable du fait de la composition de l’Assemblée. “Ça reste difficile à dire, les choses sont en train d’atterrir”, indique le cabinet.

Parlementer. L’alternative serait de faire appel à des parlementaires, qui pourraient déposer une proposition de loi, reprenant certaines orientations gouvernementales. Des discussions entre les députés travaillant sur ces sujets et le ministère doivent avoir lieu. Parmi les noms évoqués : Paul Midy (EPR), Arthur Delaporte (PS) et Stéphane Vojetta (EPR).

Négos en cours. Pour rappel, les deux derniers ont l’intention de porter une PPL transpartisane “écrans” ou “influenceurs 2.0”. Laquelle vise à mieux encadrer le métier et, plus généralement, les usages des mineurs sur les réseaux sociaux. L’entourage de Paul Midy nous confirme que des discussions ont déjà eu lieu avec Agnès Canayer. Stéphane Vojetta et Arthur Delaporte ont également prévu de la rencontrer.

DROITS VOISINS

EN JUSTICE. L’Alliance de la presse d’information générale (Apig) a décidé de sortir les crocs pour pousser LinkedIn et Microsoft à rejoindre la table des négociations sur les droits voisins. Elle a ainsi annoncé, vendredi, engager des actions en contrefaçon contre Microsoft devant le tribunal judiciaire de Paris.

Soyons pros. Concrètement, l’Apig reproche à Microsoft, et en particulier à son réseau social professionnel LinkedIn, de laisser sans réponse les demandes de négociations qu’elle leur a fait parvenir à plusieurs reprises, selon une source interne — pour qui Microsoft est le mauvais élève en la matière. Des négociations sont en effet ouvertes avec deux autres géants américains, Google et Meta.

Sollicité par votre infolettre, LinkedIn indique qu’actuellement “nous évaluons et sommes à l’écoute des commentaires relatifs à l’application de la directive européenne des droits d’auteurs”. Tout en disant “qu’en tant que réseau professionnel, nous aidons les éditeurs de presse à développer et à partager leurs contenus et à créer des conversations avec notre communauté professionnelle”.

En parallèle, la plateforme essaie, depuis plusieurs années, d’amadouer la presse, notamment en France, en encourageant les journalistes à partager leur production sur la plateforme. Elle a lancé un programme intitulé LinkedIn for journalists, qui inclut un abonnement premium offert.

DU CÔTÉ DE BRUXELLES

— Les six candidats au poste de vice-président exécutif de la Commission sont auditionnés aujourd’hui. Parmi eux, la future cheffe de la technologie de l’UE, l’actuelle eurodéputée finlandaise Henna Virkkunen. Vous pourrez suivre ici le live de mes collègues bruxellois.

— Le réseau européen de coopération en matière de protection des consommateurs et la Commission européenne ont notifié à Temu plusieurs pratiques qui enfreignent le droit européen. Dans leur viseur : les faux avis, les fausses ristournes et le manque d’information des consommateurs sur ses différentes plateformes. Le nouveau géant du e-commerce a un mois pour répondre.

— Dans une note obtenue par POLITICO et publiée ce mardi, le think tank Renaissance numérique pointe le manque de cohérence et d’effectivité de la politique numérique européenne. Cybersécurité, données, intelligence artificielle, grandes plateformes… la régulation européenne n’a pas chômé ces dernières années. Au point d’aboutir à un “millefeuille législatif” qui pénalise le “passage à l’échelle de jeunes pousses” de la tech et plus généralement la compétitivité européenne. Ce foisonnement empêche d’ailleurs l’UE de faire appliquer ses propres règles et mérite donc, pour le cercle de réflexion, de faire l’objet d’un bilan exhaustif.

MERCATO

La présidente de l’Assemblée nationale a désigné les députés qui siègeront dans les organismes extraparlementaires. Virginie Duby-Muller (DR) et Paul Midy (EPR) sont reconduits au Conseil national du numérique. Philippe Latombe (MoDem) rempile à la CNIL, au côté de Julie Ozenne (Les Ecologistes), qui remplace Raquel Garrido (ex-LFI), non réélue. Marie-José Allemand (PS) et Arnaud Bonnet (Les Ecologistes) arrivent à la Cada, en remplacement de Patrice Perrot (Renaissance), non réélu, et Michèle Martinez (RN). Stéphane Mazars (EPR) et Sandra Regol (Les Ecologistes) rejoignent quant à eux le comité d’évaluation de la vidéosurveillance algorithmique.

Jusqu’à présent “personnalité qualifiée” de l’Autorité nationale des jeux, la directrice de l’association e-Enfance Justine Atlan devient membre du collège. Elle remplace Chantal Rubin, cheffe du pôle “régulation des plateformes” de la DGE.

AGENDA

Toute la journée, événements thématiques du Forum de Paris sur la paix.

A partir de 9h30, événement parallèle au Forum de Paris, organisé à Sciences Po et dans la perspective du futur Sommet pour l’action sur l’IA.

A partir de 9h45, rencontre annuelle des responsables open data européens à Paris.

A 11 heures, la commission des Finances de l’Assemblée examine les articles non rattachés et de récapitulation de la seconde partie du budget 2025.

A 15h30, Sébastien Soriano, directeur général de l’IGN, est auditionné par la délégation à la prospective du Sénat sur l’utilisation de l’intelligence artificielle pour les territoires et l’environnement.

A 16h30, la commission des Affaires économiques de l’Assemblée auditionne Marc Ferracci, ministre délégué chargé de l’Industrie, sur le budget 2025.

RESTEZ BRANCHÉS

— “Nous n’accepterons jamais que le débat public soit délocalisé sur des réseaux sociaux dérégulés aux mains d’intérêts particuliers, qu’ils soient américains ou chinois”, a réagi le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot dans une interview au Parisien.

— Elon Musk s’est incrusté dans un appel téléphonique entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky. A cette occasion, il lui a garanti qu’il pouvait encore compter sur ses satellites Starlink, rapporte Euronews.

— Le bitcoin est au plus haut et les entreprises des cryptos sont en ébullition après la victoire de Donald Trump, décrypte Les Echos.

— La BBC raconte l’enfer vécu par les modérateurs du web dans une série de podcasts.

Un grand merci à : notre éditrice Tiphaine Saliou et Jean-Christophe Catalon.