Influenceurs sous pression

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Par ÉMILE MARZOLF

Avec OCÉANE HERRERO & KLARA DURAND

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AU MENU

— Le “cas Ophenya” ouvre la chasse aux pratiques sectaires des influenceurs.

— Fuite de données : mais que fait la CNIL ?

— Budget : retour à la case départ pour les dispositifs de soutien à l’innovation.

Bonjour à toutes et à tous, nous sommes mercredi 13 novembre et c’est un grand jour pour l’Europe, qui s’est autoproclamée “continent de l’IA”. Enfin, c’est le rêve de la future commissaire chargée de la Souveraineté technologique, de la Sécurité et de la Démocratie, Henna Virkkunen, qui livrait hier son grand oral devant les eurodéputés.

Emancipation. La commissaire désignée veut d’abord s’attaquer aux nombreuses dépendances technologiques de l’UE. A commencer par le cloud et l’IA, qu’elle veut faire décoller sur le Vieux Continent. Inspirée du rapport de Mario Draghi sur la compétitivité européenne, Henna Virkkunen a dégainé un Cloud and AI Development Act, censé faciliter l’accès aux services basés sur l’IA pour les petites entreprises, et booster les capacités de calcul de l’UE. Elle a aussi esquissé les contours d’un possible Quantum Act pour ne pas rater le virage des technos quantiques.

Cure de simplif. A croire qu’elle s’est inspirée de notre Michel Barnier national : si elle devient commissaire, Henna Virkkunen commencera dès son premier jour à faire le ménage dans le trop-plein de règles et de bureaucratie pour faciliter la vie des entreprises, a-t-elle promis.

Attendue au tournant. La Finlandaise s’est montrée un peu moins loquace quand les eurodéputés lui ont demandé comment elle comptait s’y prendre pour mettre en œuvre le DSA face aux Etats-Unis de Trump (et d’Elon Musk). Après une bonne heure d’audition, elle a tout de même promis de doubler les effectifs chargés de faire appliquer ces nouvelles règles de modération des contenus.

LE FAIT DU JOUR

LE CAS OPHENYA. C’est un nom bien connu du monde de l’influence français. Suivie par des millions d’adolescents, Ophenya a été bannie de TikTok ce week-end, après un énième signalement du collectif de lanceuses d’alerte “mineurs éthiques et réseaux” (Meer), qui enquête sur elle depuis plus d’un an. Il lui est reproché — entre autres — d’inviter ses jeunes abonnés sur ses lives TikTok, dérogeant ainsi aux règles du réseau social.

Stop TikTok. Meer voudrait faire d’Ophenya un exemple “des comportements à ne pas reproduire lorsqu’on est influenceur”, nous détaille-t-il. Dans ses récentes vidéos, la créatrice s’en défend et affirme proposer du “contenu éducationnel” à sa communauté. Ma collègue Klara Durand revient plus en détail sur l’affaire dans cet article.

L’allié Delaporte. Le collectif peut toutefois bénéficier d’un soutien de taille : le député Arthur Delaporte. Au printemps dernier, Meer avait déjà échangé avec l’élu socialiste sur le cas de l’influenceuse. “Nous lui avions parlé de notre idée de créer un ‘influscore’ visant à évaluer l’éthique des influenceurs”, souligne le collectif, qui trouve insuffisant le certificat “influenceur responsable” délivré par l’Autorité de régulation des professionnels de la publicité (ARPP). Un point que le député souhaiterait aussi “évaluer”.

Contrôle surprise. Arthur Delaporte veut surtout vérifier que la loi sur les dérives sectaires, déjà en vigueur, est suffisante pour encadrer “la logique financière” souvent à l’œuvre derrière “les pratiques sectaires des influenceurs”. Le cas échéant, il souhaite pouvoir activer les “leviers judiciaires” à la disposition des parlementaires.

Casse-tête. Le socialiste entend surtout agir sur l’accès des mineurs aux réseaux sociaux. Un sujet sur lequel il travaille en tandem avec le député EPR Stéphane Vojetta. L’objectif est de déposer une proposition de loi “écrans” d’ici la fin de l’année. “On s’interroge par exemple sur l’interdiction totale de l’accès aux réseaux sociaux pour les mineurs ou l’opportunité de limiter leur accès à une interface régulée”, détaille Arthur Delaporte.

Signaleur de confiance. Le syndicat des influenceurs, l’Umicc, veut aussi peser dans les discussions et a entrepris les démarches pour être signaleur de confiance. “Les créateurs doivent travailler en responsabilité et en transparence sur ces questions liées à la protection de l’enfance, ils ont un rôle à jouer”, estime, auprès de ma collègue Klara Durand, la déléguée générale du syndicat, Bénédicte de Kersauson.

DONNÉES PERSONNELLES

SÉRIE NOIRE. Il ne se passe plus une semaine sans fuite de données personnelles de grande ampleur. La CNIL a d’ailleurs annoncé, hier, avoir mené un contrôle chez l’opérateur Free après qu’il a laissé les IBAN de 5 millions de ses clients se balader dans la nature.

Le but ? “Apprécier la sécurité des systèmes informatiques et en particulier les mesures mises en œuvre pour empêcher une nouvelle violation de données”, m’a précisé l’autorité indépendante. En cas de manquement avéré, Free s’expose à une amende… ou à un simple rappel à l’ordre.

Lettre morte. L’association “Pour un RGPD respecté”, connue pour ses positions critiques à l’égard de la CNIL, a donc ressorti sa plus belle plume. Dans une lettre ouverte, elle fustige “l’inaction chronique” de l’autorité face à des “manquements manifestes” de la part de responsables de traitement de données perso (entreprises, administrations, etc.), pas du tout inquiétés par la menace d’une sanction. Le courrier pourrait bien rester sans réponse : dans un précédent échange, la CNIL lui a déjà rappelé qu’un manquement n’était pas forcément synonyme de sanction, citant un arrêt de la Cour de justice de l’UE rendu fin septembre.

La pression, elle la boit. De fait, la commission ne s’inquiète pas plus que ça de la grogne montante. Son directeur des technologies et de l’innovation, Michel Combot, a d’ailleurs rappelé, vendredi lors de la Journée de la donnée à Bercy, la position constructive — et donc clémente — du gendarme de la donnée. Il a ainsi indiqué que sa priorité n’était pas tant de sanctionner que d’“accompagner la mise en conformité” pour aider les porteurs de projets à “gérer au mieux les données personnelles”.

Relais parlementaire. Le député Philippe Latombe (MoDem), tout juste (re)nommé au collège de la CNIL, n’entend plus laisser couler. Cette dernière “est objectivement impuissante, mais ce n’est pas que de sa faute, c’est aussi lié à son manque de moyens et à la nécessité d’avoir des procédures hyper carrées pour ne pas être déjugée au Conseil d’Etat”, a-t-il justifié auprès de votre infolettre. Il attend donc avec impatience l’examen du projet de loi “résilience cyber” pour déposer quelques amendements, dont la teneur reste secrète.

BUDGET

START-UP NATION AU SÉNAT. Après la saga de l’examen des textes budgétaires à l’Assemblée, le secteur de l’innovation et des start-ups se prépare à retourner au combat avec l’arrivée au Sénat du projet de loi de finances (PLF) et du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Objectif : préserver les dispositifs publics de soutien aux start-ups dans une période d’orthodoxie budgétaire.

Voir Midy à sa porte. Dès aujourd’hui, débute ainsi l’examen de la partie recettes du PLF 2025 en commission des Finances. Le PLFSS, lui, a atterri en commission des Affaires sociales hier. En coulisses, cela fait plusieurs jours que certains s’activent pour sensibiliser les sénateurs aux enjeux du soutien à l’innovation. Le député macroniste de l’Essonne, Paul Midy, qui était l’avocat du secteur lors de l’examen des textes budgétaires à l’Assemblée, a ainsi organisé plus d’une vingtaine d’échanges avec des élus de la Chambre haute pour les encourager à se pencher sur le sujet, comme l’écrivait l’Opinion.

Objectif : “que des sénateurs redéposent les amendements qu’il avait lui-même portés”, fait savoir l’entourage du député auprès de ma collègue Océane Herrero.

Réveiller les bonnes volontés. Paul Midy espère pouvoir s’appuyer sur la bonne volonté de ceux qui se sont déjà activés sur le sujet du soutien aux jeunes pousses, notamment David Ros (PS), mais aussi Vanina Paoli-Gagin (LIRT). Celle-ci indique être prête à reprendre les amendements du macroniste, mais avec des touches personnelles, notamment sur le crédit d’impôt recherche (CIR).

France digitale, le lobby des start-ups, sollicite les mêmes parlementaires, mais compte également sur l’expert des télécoms Patrick Chaize (LR), ou encore Loïc Hervé (UC). Un lobbying de toutes les couleurs (politiques), car “il faut sensibiliser les sénateurs et les pousser à nous soutenir, notamment en vue d’une commission mixte paritaire” sur les textes budgétaires, justifie Marianne Tordeux-Bitker, chargée des affaires publiques de France digitale. En parallèle, les discussions se poursuivent avec les ministères pour tenter d’obtenir une évolution des positions gouvernementales.

Pour mémoire, le gouvernement avait inséré dans le PLF et le PLFSS des restrictions sur des dispositifs clés de soutien à l’innovation, notamment celui dédié aux jeunes entreprises innovantes (JEI) et le crédit d’impôt innovation (CII).

**Les 26 commissaires européens espèrent être reconduits dans leurs fonctions. Nous suivrons de près tous les rebondissements dans notre série de vlogs, et analyserons en direct les auditions et leurs implications dans les politiques liées à la défense, à la tech et à l’énergie. Pour en savoir plus, suivez ce lien.**

MERCATO

François Lesage, ancien responsable de la communication de Cisco en France, rejoint Mistral AI.

AGENDA

A 8h30, la commission des Finances du Sénat examine les articles de la première partie du budget 2025, ainsi que le rapport de Vincent Eblé et Didier Rambaud sur la mission culture.

A 10 heures, examen de la PPL visant à interdire le démarchage téléphonique en commission des Lois du Sénat.

A partir de 14h, la mission d’information sur le New Deal mobile de l’Assemblée auditionne Ombeline Bartin, directrice des affaires publiques du groupe Iliad.

A 16h45, la commission Aménagement du territoire du Sénat auditionne Catherine Vautrin, ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation.

RESTEZ BRANCHÉS

— Qwant n’est pas mort et s’allie à l’allemand Ecosia pour tenter de créer un moteur de recherche européen, rapporte La Tribune.

— Selon le Wall Street Journal, Meta serait prête à faire des concessions sur la publicité ciblée pour calmer Bruxelles.

— Avant de faire ses valises, le président de l’Arcom dresse dans Le Figaro le bilan de la mutation du CSA en régulateur du numérique.

Un grand merci à : notre éditrice Tiphaine Saliou et Jean-Christophe Catalon.

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