TikTok sous le feu des attaques (en justice)

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POLITICO Pro tech Matin
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Par KLARA DURAND

Avec OCÉANE HERRERO, EMILE MARZOLF & TIPHAINE SALIOU

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AU MENU

— Santé mentale des ados : TikTok poursuivie en justice.

— Inclusion : conseillers numériques cherchent financement.

— Bruno Retailleau déterre le projet de “17 Cyber”.

Bonjour à toutes et à tous, nous sommes mardi 5 novembre. C’est une journée cruciale qui s’ouvre pour les Américains, appelés aux urnes pour élire leur nouveau président.

Blurred lines. Lors de la campagne, les médias traditionnels ont pu observer l’arrivée de nouveaux acteurs de l’information très prisés des politiques : les “jinfluenceurs”. Derrière cette contraction des termes “journaliste” et “influenceur”, on trouve de tout : des tiktokeurs filmant les coulisses des meetings, aux podcasteurs invitant Donald Trump et Kamala Harris à converser, pêle-mêle, du futur du pays et de leurs plats préférés. Des contours flous qui séduisent le public autant qu’ils inquiètent la profession.

Bientôt chez nous. En France, les éditeurs de presse observent ce phénomène avec 2027 en ligne de mire. “Nous savons très bien que demain, des élus seront ravis de pouvoir éviter les questions qui fâchent en allant uniquement sur la chaîne YouTube d’Hugo Decrypte”, pestait, il y a quelques semaines, un interlocuteur de l’écosystème auprès de votre infolettre. Certains ont encore en mémoire le choix d’Emmanuel Macron, en pleine dissolution, de prendre longuement la parole dans le podcast Generation do it yourself plutôt que dans un journal ou un JT national. Pour tout savoir sur ces influenceurs de l’information, n’hésitez pas à (re)lire notre article.

LE FAIT DU JOUR

FEED EN JUSTICE. Un nouveau front judiciaire s’ouvre pour TikTok en France avec le dépôt, hier, d’une assignation en justice par un collectif de sept familles, qui reprochent à l’application son impact sur la santé mentale de leurs ados. Ce recours fait suite à un autre : une plainte au pénal déposée en septembre 2023 par une famille après le suicide de leur fille, utilisatrice de la plateforme. Ces deux brèches sont ouvertes par une seule et même avocate, Laure Boutron-Marmion, qui a constitué le collectif “Algos Victima”.

L’assignation en justice se base sur l’analyse de l’historique de visionnage des sept ados — des jeunes filles — concernées dans le dossier, et met en cause des allusions explicites au suicide ou aux troubles du comportement alimentaire.

Deux pour le prix d’un. Pourquoi lancer deux procédures, au civil et au pénal, vous demandez-vous ? Dans son cabinet parisien, Laure Boutron-Marmion a expliqué à ma collègue Océane Herrero qu’elle souhaitait s’assurer que le dossier ait de l’impact, mais aussi que les sept familles derrière l’assignation en justice obtiennent un droit à réparation. Et ce, que la faute — le manque de modération supposé — soit intentionnelle de la part de TikTok, ou pas. Ce volet intentionnel sera en revanche au cœur de la procédure pénale.

Regards transatlantiques. A ce titre, l’avocate n’a pas manqué de relever une enquête de la National Public Radio américaine, qui a obtenu des documents produits en justice par TikTok. Un responsable cité dans ces rapports internes estime qu’une utilisation assidue peut affecter la capacité des utilisateurs à dormir, manger, ou même regarder quelqu’un dans les yeux. Une preuve que TikTok a conscience de la nocivité de ses outils, selon l’avocate.

INCLUSION NUMéRIQUE

BUDGET, ES-TU LÀ ? Le projet de loi de finances pour 2025 devrait faire son retour à l’Assemblée aujourd’hui en séance, et les députés reprendre l’examen là où ils s’étaient arrêtés — à la première partie, celle des recettes, si vous êtes perdus. Le socialiste Jacques Oberti espère bien en profiter pour sauver les 4 000 postes de conseillers numériques. Ce dispositif, cofinancé par l’Etat avec l’appui des collectivités, vise à aider les citoyens à apprivoiser les outils digitaux.

Le texte du gouvernement prévoit en effet de diviser par deux le budget alloué à ces conseillers, passant d’environ 60 millions d’euros à moins de 28 millions. Tout juste de quoi sauver 1 500 postes…

La proposition du député : rehausser le montant de l’Ifer, une taxe perçue par les collectivités sur les opérateurs de réseaux — fibre et téléphonie mobile — et rediriger ces nouvelles rentrées d’argent vers les conseillers numériques. La mesure avait été adoptée par la commission des Finances, le 18 octobre. Mais le député Oberti ne se fait pas trop d’illusions. “Au fond, ce qui compte, c’est ce qu’en fera le Sénat, et où ira la négociation avec le gouvernement”, reconnaît-il auprès de mon collègue Emile Marzolf.

En attendant, acteurs de l’inclusion numérique et élus locaux sont sur tous les fronts pour mobiliser l’administration, le gouvernement et les parlementaires. “Nous avons échangé avec le cabinet de Clara Chappaz, qui nous dit que l’inclusion numérique est une politique prioritaire, mais il n’y a concrètement aucune piste de financement qui a émergé aujourd’hui”, déplore Céline Colucci, déléguée générale des Interconnectés, l’association d’élus des villes urbaines.

Lobbying express. La Mednum, qui représente les acteurs de l’inclusion et assure en partie la formation des conseillers, propose quant à elle un “kit de mobilisation” clé en main, avec des ressources, des lettres toutes faites pour interpeller les parlementaires, et même des amendements prérédigés ! Hier, le lobby a par ailleurs inondé les boîtes mail des 577 députés et 348 sénateurs pour tenter de les rallier à sa cause. “L’amendement d’Oberti est ambitieux, mais c’est le seul, il nous en faut d’autres, et des plus raisonnables pour passer, y compris au Sénat”, décrypte Dorie Bruyas, à la manœuvre de l’opération.

MERCATO

L’ancien secrétaire d’Etat au Numérique Cédric O a obtenu un avis de compatibilité avec réserves de la HATVP pour la création d’une start-up dans le domaine de l’éducation.

CYBERMENACES

CHANTIER EN COURS. Bruno Retailleau fera-t-il enfin atterrir le “17 cyber” ? Reçu par le ministre de l’Intérieur hier soir, le député MoDem Philippe Latombe n’a pas manqué d’aborder l’avenir de ce chantier, promis par Emmanuel Macron dès 2022.

Tout prêt tout chaud. Laissé en sommeil pour cause de dissolution, le projet est prêt depuis avant l’été. Ne manquait que le moment opportun et un portage politique suffisamment fort pour imposer l’idée d’un “guichet unique” de la cyber et faire la promo du numéro auprès des citoyens. Ce sera finalement le cas d’ici la fin de l’année. Interrogé par mon collègue Emile Marzolf, le cabinet du ministre de l’Intérieur a confirmé qu’il lancerait Cyber 17 “dans les semaines qui viennent”.

Gloubi-boulga. Thésée, Perceval, Pharos, Ma Sécurité… Le ministère de l’Intérieur et ses différentes maisons ne manquent pas d’imagination pour créer de nouvelles plateformes de signalements en ligne. Au point de perdre les citoyens. L’objectif du 17 cyber — qui ne sera pas un numéro d’appel téléphonique mais un tchat en ligne — sera donc de conseiller les victimes de cybermalveillances.

Y a quelqu’un au bout du fil ? Un parcours d’autodiagnostic sera proposé pour catégoriser la menace, connaître la marche à suivre et être réorienté vers la bonne plateforme. Des policiers et gendarmes se rendront également disponibles 24h/24 et 7j/7 pour prodiguer leurs conseils.

Au tour des plateformes. L’un des enjeux, et non des moindres, sera cependant de convaincre les plateformes — réseaux sociaux, e-commerçants, ou encore banques et assurances — d’intégrer le module de tchat à leurs sites pour en massifier le déploiement et l’utilisation. Un pari qui semble loin d’être gagné.

AGENDA

A partir de 15 heures, suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 en séance publique à l’Assemblée.

A 16h30, la ministre de la Culture, Rachida Dati, est auditionnée par la commission de la Culture du Sénat sur le budget 2025.

A 17h30, Antoine Armand, ministre de l’Economie est auditionné par la commission des Affaires économiques du Sénat sur le budget 2025.

DU CÔTÉ DE BRUXELLES

CE N’EST PAS UN, mais deux commissaires désignés, chargés de dossiers numériques, qui sont auditionnés aujourd’hui au Parlement européen : l’Irlandais Michael McGrath et la Bulgare Ekaterina Zaharieva. Nos collègues de Morning Tech tiendront d’ailleurs un blog en direct à partir de 9 heures.

Pour rappel, selon sa lettre de mission, Michael McGrath sera chargé de suivre la mise en œuvre du Media Freedom Act et d’élaborer une loi sur l’équité numérique (Digital Fairness Act). Ekaterina Zaharieva sera, quant à elle, la toute première commissaire européenne chargée des Start-ups.

RESTEZ BRANCHÉS

— Les présidents de l’Ademe, l’Arcom et l’Arcep appellent à un pilotage européen des impacts environnementaux du numérique pour respecter l’Accord de Paris, dans une tribune commune, publiée par Les Echos.

— Le New York Times raconte comment Elon Musk a transformé X en un reflet de ses opinions personnelles avant les élections américaines.

Un grand merci à : notre éditrice Tiphaine Saliou et Jean-Christophe Catalon.