AU MENU |
— Suspens : qui signera la grande déclaration finale au Grand Palais ?
— Impact environnemental de l’IA : en avant l’autorégulation.
— Des entreprises d’IA s’engagent pour protéger les enfants.
Bonjour à toutes et à tous, nous sommes mardi 11 février et vous lisez Tech matin. Pour ce dernier jour de sommet, votre infolettre vous a concocté — avec les bureaux de Londres et de Bruxelles — un classement dont elle a le secret ! De la dissidente Meredith Whittaker, à l’éminence grise britannique Matt Clifford… Découvrez les 9 personnalités qui comptent au Sommet pour l’action sur l’IA.
Vous ne manquerez évidemment pas d’y trouver l’espoir français Arthur Mensch — qui a évidemment pu, hier soir au dîner des VIP organisé à l’Elysée, partager la table d’Emmanuel Macron, mais aussi de… son concurrent Sam Altman, patron d’OpenAI — qui, entre la poire et le fromage, a repoussé d’un simple tweet une offre de Musk à 97,4 milliards de dollars pour le rachat d’OpenAI. Délicatesse du plan de table : les deux hommes étaient malgré tout séparés par le secrétaire général des Nations unies António Guterres et le vice-président américain JD Vance, a ouï dire votre infolettre. Au menu de la soirée : foie gras, viande d’agneau et discussion en mode open mic.
LE FAIT DU JOUR |
DÉCLARATION DE PRINCIPES. Une certaine fébrilité a saisi les diplomates, réunis hier au Grand Palais, à mesure que montaient les rumeurs sur la grande déclaration diplomatique de clôture du Sommet sur l’IA. Ce texte, qui promeut une intelligence artificielle “inclusive et durable pour les personnes et la planète”, doit être examiné ce matin par les dirigeants étrangers présents à Paris, et paraphé à la mi-journée.
Effet domino. Comme nous vous le racontions hier, les tirs de barrage américains face à ce texte ont amené le Royaume-Uni à réviser sa position : le pays qui avait lancé le premier Sommet mondial sur l’IA ne devrait pas signer la déclaration — mon collègue Tom Bristow vous en dit plus dans cet article. Le risque pour la France est désormais d’assister à un effet domino : ses alliés vont-ils la suivre dans sa “troisième voie” en matière d’IA face aux Etats-Unis et à la Chine ?
Partez devant. Si la Commission européenne devrait signer au nom des 27 Etats membres, certains partenaires européens hésitent encore à apposer leur signature individuelle. C’est notamment le cas de la diplomatie néerlandaise, a appris ma collègue Clea Caulcutt.
Parallèlement, une “déclaration de Paris alternative” a circulé hier dans les travées du sommet. Le texte, non sourcé mais assez radical pour attirer l’attention, qualifie la dernière version de la déclaration diplomatique comme une suite d’“engagements qui n’ont pas de sens” et démontrent un “profond manque de sérieux”. Le texte intercepté par Tom appelle à une action de l’Occident pour garantir sa “primauté” dans le secteur de l’IA et assurer sa “victoire” sur la Chine.
Du côté de la diplomatie française, on tente de limiter les bruits de couloir et de dédramatiser l’idée d’un texte moins rassembleur que prévu. “Nous verrons bien”, indiquait dimanche soir un diplomate français auprès de ma collègue Océane Herrero, tandis qu’un autre affirmait : “Les grandes déclarations, ce n’est pas ce qui compte.” Ce dernier leur préfère un changement “de perspective et de la conversation” sur l’IA. Un haut responsable du ministère de l’Ecologie croisé dans la nef du Grand Palais se montrait, lui, serein hier matin. En clair : la France préfère se passer de la signature des Etats-Unis, plutôt que de dénaturer complètement son texte.
MUSK MASQUÉ. Jusqu’au dernier moment, l’Elysée aura fait la sourde oreille aux questions — pourtant pressantes — des journalistes, qui demandaient si Elon Musk participerait au sommet. C’est finalement le milliardaire qui a répondu lui-même dans un message sur la plateforme X.
Il faut dire que les organisateurs étaient partagés entre doute et espoir concernant la venue du nouveau bras droit de Donald Trump, et ne lui ont jamais vraiment fermé la porte, malgré ses provocations répétées. En toile de fond : la volonté d’Emmanuel Macron d’entretenir une relation spéciale avec le patron de SpaceX, sans finalement en récolter les fruits. Ma collègue Océane Herrero vous raconte les quelques mois de valse-hésitation dans cet article.
TOMBÉ DU CAMION. La France a réussi à faire atterrir son texte d’engagements sur l’intégration de l’IA dans le monde du travail. Si des entreprises françaises comme Mistral, SNCF ou CMA CGM ont accepté de s’engager à promouvoir le dialogue avec les partenaires sociaux pour implémenter l’IA, ce n’est pas le cas des principales entreprises technologiques américaines. OVH, Microsoft, IBM ou encore Google n’ont pas apposé leur signature au texte. Ma collègue Océane Herrero vous en dit plus ici.
ENVIRONNEMENT |
L’IA QUI DURE. Le ministère de l’Ecologie tient aujourd’hui son “Forum de l’IA durable”. L’occasion pour la France de pousser à l’international sa vision d’une intelligence artificielle “frugale”, c’est-à-dire la moins gourmande en eau, électricité et métaux rares. “Si vous m’aviez dit, il y a six mois, que l’IA frugale se retrouverait en haut des priorités et dans la déclaration finale du sommet, je n’y aurais pas cru”, confie un proche de l’organisation, tout fier des soutiens apportés à sa “coalition pour l’IA durable”, qui sera officiellement lancée ce matin.
Effet kiss cool. La croisade lancée par Donald Trump contre tout ce qui touche à l’environnement crée un “effet repoussoir” qui pousse “beaucoup d’acteurs à rejoindre la coalition”, fait valoir le même interlocuteur. La preuve : la liste des partenaires s’allonge de jour en jour et compte désormais 10 pays et plus de 75 acteurs publics et privés. Le géant chinois Baidu est le dernier à l’avoir rejointe, et des discussions étaient toujours en cours, lundi, pour élargir la coalition, notamment à la Banque mondiale.
Du vent ? “C’est bien de rejoindre des coalitions, mais pour faire quoi concrètement ?”, s’interroge, perplexe, une spécialiste de l’IA croisée dans la nef du Grand Palais. Une critique déjà émise vendredi lors des journées scientifiques. Le juriste Thomas Le Goff y a appelé à ne pas céder aux sirènes de la dérégulation. “Le laisser-faire pourrait compromettre le développement de l’IA, et conduire à un monde incompatible avec les objectifs climatiques”, a-t-il insisté. Tout en proposant une solution : la corégulation avec les développeurs de l’IA et les entreprises qui l’utilisent.
Justement, c’est l’approche retenue par la France, qui présentera demain une feuille de route pour définir une vision partagée au niveau mondial de l’impact environnemental de l’IA, et de la manière dont on le mesure et le réduit. Ce, en se basant sur ses propres travaux. Mon collègue Emile Marzolf vous explique tout ici.
Le temps presse : “Les Chinois poussent leur propre vision de l’IA durable”, confie à votre serviteur le directeur de l’organe de normalisation français, l’Afnor. Quant aux critiques sur le caractère volontaire et pas très engageant de l’approche choisie par la France, le négociateur déjà cité plus haut répond qu’au moins il se passe quelque chose. “Si nous étions partis sur de la réglementation, le truc aurait mis des années pour ne rien produire.”
PROTECTION DES MINEURS |
À VOS MARQUES, PRÊTS… Le Sommet sur l’IA a acté, hier, la création d’une “coalition pour une IA bénéfique à l’enfance”, portée par l’association Everyone.ai. La charte est encore en cours de signature, mais votre infolettre a obtenu sa version finale. Des entreprises de la tech comme OpenAI, Google, Anthropic ou Hugging Face ont déjà paraphé le texte, a appris Klara auprès d’un organisateur de l’événement.
Côté gouvernements : une dizaine a déjà signé, dont le Danemark, la Norvège, le Chili, le Mexique, le Sénégal, la Bulgarie et le Togo. Sans oublier les fondations et chercheurs : la Fondation pour l’enfance, l’informaticien Stuart Russell ou la professeure Sonia Livingstone.
INTERNET SAFE. Aujourd’hui s’ouvre justement le Safer Internet Day, un rendez-vous de sensibilisation aux usages du numérique. Pour l’occasion, Everyone.ai a développé, avec l’entreprise Tralalère, un programme spécifique sur l’IA et la citoyenneté numérique adapté aux classes de CM2 jusqu’à la terminale, a appris ma collègue Klara Durand auprès de l’association.
Objectif : accompagner près d’un million d’élèves dans la prise en main des outils technologiques dotés d’IA. Le programme donne aussi des indications “pour protéger ses données personnelles ou éviter d’entretenir une relation avec une IA”, décrit Anne-Sophie Seret, directrice exécutive d’Everyone.ai.
L’exemple peut faire sourire… Mais la directrice de l’association, installée dans la Silicon Valley, pointe un problème récurrent pour les nouvelles générations. Elle cite l’application Character.ai, qui propose à ses utilisateurs de converser avec des chatbots imitant la personnalité de célébrités ou de personnages fictifs. Et qui a fait l’objet de plusieurs plaintes aux Etats-Unis. “Nous voulons agir plus vite que nous ne l’avons fait sur les réseaux sociaux et intervenir sur cette économie de l’attention mise en place sur les outils dotés d’IA générative”, insiste-t-elle.
E-COMMERCE |
RDV FIN MARS. La proposition de loi anti-fast fashion, portée par la députée Anne-Cécile Violland (Horizons), sera examinée au Sénat à la fin du mois de mars, lors de la semaine du gouvernement, a indiqué une source gouvernementale à ma collègue Klara Durand. Un soulagement pour les associations comme le label Emmaüs, qui dénoncent l’impact des e-commerçants Shein et Temu sur leurs activités. Le sénateur centriste Jean-François Longeot table sur un vote le mercredi 26 mars.
Course contre la montre. Ce dernier a multiplié, avec la rapporteure de la proposition de loi Sylvie Valente-Le Hir (LR), les sollicitations en direction du gouvernement. “J’en ai parlé il y a quinze jours au cabinet du Premier ministre, puis à la conférence des présidents et enfin, mardi dernier, lors d’un déjeuner avec Gérard Larcher”, relate l’élu du Doubs, optimiste quant à l’adoption du texte par la Chambre haute.
AGENDA |
A partir de 10 heures, Emmanuel Macron réunit, lors d’une session plénière au Grand Palais, une centaine de chefs d’Etat et de gouvernement.
A partir de 14h30, la commission spéciale NIS2 du Sénat auditionne les autorités de régulation financière, puis Airbus, Orange et Thales.
RESTEZ BRANCHÉS |
— Pour le mathématicien Cédric Villani, “l’IA est au mieux une difficulté supplémentaire, au pire une catastrophe”, écrit L’Humanité.
— Xavier Niel pense que Mistral va mettre la pâtée à DeepSeek, rapporte BFMTV.
Un grand merci à : notre éditrice Tiphaine Saliou et Jean-Christophe Catalon.