Ah, Roland-Garros ! Ses terres battues orangées, ses Français éliminés, mais aussi ses cigarettiers. Philip Morris, le leader mondial de la cigarette, organise cette semaine une opération séduction destinée aux journalistes, a appris POLITICO.
Une soixantaine de plumes de la presse nationale et spécialisée est invitée aux frais de la multinationale pour assister aux plus belles affiches du tournoi cette semaine. Pour ces rencontres, les formules tout compris, dites “offres hospitalités”, dépassent aisément le millier d’euros.
Avant d’admirer les fulgurances de Jannik Sinner, Novak Djokovic ou Iga Świątek, confortablement installés dans les loges du stade Philippe-Chatrier, les journalistes doivent d’abord passer à table.
Lors de plusieurs déjeuners gastronomiques, concoctés par le traiteur haut de gamme Potel et Chabot, les émissaires du propriétaire de Marlboro partageront avec les convives leurs arguments sur des problématiques qui leur sont chères, et sont susceptibles de faire l’objet d’une couverture médiatique.
Ainsi, avant d’assister aux quarts de finale, les journalistes, réunis par groupe de dix, se verront présenter les positions de Philip Morris au sujet du trafic de contrebande (à midi) et les actions du groupe en faveur de la responsabilité sociétale (le soir). Pour les demi-finales hommes vendredi, la fiscalité des cigarettes sera au menu d’un déjeuner animé par un porte-parole de Philip Morris International (PMI).
Jeudi 6 juin, avant les demi-finales dames, c’est le traitement médiatique du tabac qui sera à l’honneur. Clou du spectacle, samedi 8 juin, jour de la finale dames, le patron de la filiale française de PMI Xavier Puech présidera le déjeuner.
En toile de fond, la baisse du marché du tabac, l’augmentation de la fiscalité préconisée dans un récent rapport sénatorial, l’encadrement des produits dérivés de la nicotine, ou l’arrêt programmé des cigarettes électroniques jetables (les puffs) sont autant de sujets de préoccupation du secteur.
“Il n’y a pas de demande d’article ensuite”
Au téléphone avec les journalistes qu’elle démarche, Euros / Agency, qui représente en France le groupe PMI, sait se montrer rassurante. “Il n’y a aucune attente en retour”, “il n’y a pas de demande d’article ensuite”, “c’est un moment d’échange”, prennent soin de préciser les consultants de l’agence de communication et d’affaires publiques.
Si d’autres entreprises, comme Axa ou Orange, invitent également des journalistes durant le tournoi, les industriels du tabac sont coutumiers du fait.
En 2016, Philip Morris, Davidoff et British American Tobacco avaient été condamnés à des amendes par la cour d’appel de Paris pour leurs opérations de communication à Roland-Garros. Les fabricants étaient accusés de propagande pour le tabac, mais la décision avait finalement été cassée par la Cour de cassation.
En 2013, l’invitation Porte d’Auteuil de British American Tobacco au numéro deux des douanes et à des membres de cabinets ministériels avait fait grand bruit, mais aucune sanction n’avait été prononcée par Pierre Moscovici et Bernard Cazeneuve, alors ministres à Bercy.
Sollicités par POLITICO, Japan Tobacco International (Winston, Camel) et British American Tobacco (Lucky Strike, Vogue, Pall Mall), un temps locataires de loges pendant le tournoi, assurent ne pas inviter de journalistes et encore moins d’élus ou hauts fonctionnaires à des événements sportifs.
Océane Herrero et Judith Chetrit ont contribué à cet article.