Sites pornographiques : chérie, ça va couper !

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Par OCÉANE HERRERO

Avec EMILE MARZOLF et KLARA DURAND

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AU MENU

— Pornographie : l’heure de couper est-elle venue ?

— InfraNum s’ouvre de nouveaux horizons à Rabat.

— Budget : le CNM a préparé la playlist qu’il veut entendre au Parlement.

Bonjour à toutes et à tous, les start-ups peuvent souffler : l’article 7 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale a été rejeté en bloc hier soir à l’Assemblée. Celui-ci prévoyait de réformer les contrats d’apprentissage, mais aussi de réduire les exonérations de charges pour les jeunes entreprises innovantes, les JEI.

Le rapporteur général Yannick Neuder (Droite républicaine) et le ministre du Budget Laurent Saint-Martin ont essayé de convaincre les parlementaires de ne pas jeter le bébé (le débat sur les JEI) avec l’eau du bain (les mesures décriées sur l’apprentissage). En vain, les amendements de suppression ont été adoptés sans débat sur le détail des mesures, offrant ainsi un répit aux JEI et à leurs exos, avant l’examen du texte au Sénat.

LE FAIT DU JOUR

TIC TAC. Plus qu’une question de jours, voire d’heures, avant le blocage des sites pornographiques Tukif, XHamster, Mrsex et Iciporno. Le 17 octobre, la cour d’appel de Paris leur avait donné quinze jours pour respecter l’obligation, qui leur incombe, de vérifier l’âge de leurs utilisateurs. Les fournisseurs d’accès à internet français (FAI) — Bouygues, SFR, Orange et Free — sont donc tenus d’appliquer la décision à partir du 1er novembre en empêchant l’accès à ces sites aux internautes hexagonaux.

Légalistes. Pas de quoi fouetter un chat pour les FAI, connus pour être “très légalistes”, commente Alexandre Archambault, avocat spécialisé en droit du numérique, auprès de ma collègue Klara Durand. Ce que lui confirme l’un d’entre eux : “Dès qu’il y a une décision de justice et que nous en sommes notifiés, nous nous y conformons systématiquement. En tant que grand groupe, nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas le faire.” Toutefois, à l’heure où nous bouclons cette infolettre, les opérateurs attendent toujours “d’être signifiés de cette décision de justice”, nous confie la fédé des télécoms. Un élément de procédure essentiel : la notification sera le déclencheur officiel du blocage.

Tukif kiffe pas. En face, les sites pour adultes n’ont pas l’intention de se coucher. Selon nos confrères de l’Informé, Tukif, basé au Portugal, aurait décidé de contester la décision et de faire “tierce opposition”. Pour mémoire, la cour d’appel a exclu de sa décision les sites Pornhub, YouPorn, Redtube, XNXX et Xvidéos, dans l’attente de l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne concernant leur blocage dans l’Hexagone. Tukif estime que ces sites disposent, de fait, d’un délai supplémentaire pour se conformer à la législation française. “Concrètement, Tukif s’oppose à la décision, car il juge que la cour d’appel ne leur a pas permis de se défendre comme les autres sites”, décrypte Frédéric Benoist, l’avocat des deux associations plaignantes.

En tout cas, l’avocat ne paraît pas inquiet. “La cour était saisie pour un référé” et la décision doit “s’appliquer immédiatement”, décrit-il. Le temps que son recours soit examiné par la justice, Tukif n’échappera donc pas au blocage. Frédéric Benoist nous précise qu’il n’a pas encore été notifié par le site pornographique de sa volonté de faire “tierce opposition”.

TÉLÉCOMS

“J’ai dans ma valise”. Le président de la République n’est décidément pas parti tout seul au Maroc. En visite d’Etat dans le royaume jusqu’à hier soir, Emmanuel Macron a embarqué avec lui une centaine de personnalités issues du gouvernement, certes, mais aussi du monde économique. Aux côtés des grands patrons de LVMH, Thalès, Engie ou Alstom, on retrouvait, dans la délégation, un certain Philippe Le Grand, président de la fédération des entreprises d’infrastructures numériques (InfraNum).

Exporter la filière. L’association, créée en 2012 pour accompagner la mise en œuvre du plan France très haut débit, ne compte pas s’éteindre en même temps que ce dispositif à 20 milliards d’euros — dont 10 d’argent public —, censé toucher à sa fin en 2025, avec la généralisation espérée de la fibre sur tout le territoire. Qu’à cela ne tienne, le président d’InfraNum voit dans le Maroc un marché très prometteur pour exporter le savoir-faire français en matière de réseaux de fibre optique.

Ça tombe bien : le royaume a lancé en septembre sa nouvelle stratégie numérique “Maroc Digital 2030”, qui ambitionne de dématérialiser massivement les services publics et de développer son économie numérique, en créant jusqu’à 240 000 emplois. Pour y parvenir, le pays veut brancher 5,6 millions de foyers à la fibre optique — contre moins d’un million aujourd’hui. Ce, alors que la précédente stratégie numérique du pays visait précisément à raccorder 5 millions de foyers d’ici… 2023.

Donnant-donnant. La relation entre la France et le Maroc dans les télécoms ne date pas d’hier. “Le Maroc produit 19 000 ingénieurs par an, dont les compétences ont beaucoup servi à la mise en œuvre du plan France très haut débit”, rappelle le président d’InfraNum auprès de mon collègue Emile Marzolf. Il ajoute que 10 membres de sa fédération sont déjà présents au royaume. Philippe Le Grand espère nouer des partenariats sur place pour permettre aux entreprises tricolores de prendre une plus grosse part du gâteau, estimé tout de même à près de 3 milliards d’euros.

TAXE STREAMING

LA PLAYLIST DU BUDGET. Jean-Philippe Thiellay, président du Centre national de la musique (CNM), a été chaudement accueilli, hier, par la commission des Affaires culturelles du Sénat pour faire le point sur les cinq années d’existence de sa grande maison de la musique. Il en a profité pour faire passer quelques messages, alors que le budget 2025 est en cours d’examen au Parlement.

Désenchanté. Saluant une année “record” pour la collecte de la taxe sur la billetterie, grâce notamment aux tournées de Mylène Farmer et Taylor Swift, Jean-Philippe Thiellay ne perd pas pour autant de vue les recettes de la “taxe streaming”, qui s’applique aux plateformes musicales depuis le début de l’année. Le patron du CNM n’a pu que constater que la récolte a été décevante, avec quelque 7,13 millions d’euros déjà encaissés. D’ici la fin de l’année, il s’attend à ce qu’elle atteigne 9,3 millions d’euros, bien loin des 15 millions espérés à l’origine.

Pour protéger les finances du CNM, qui sont mises à l’épreuve, comme votre serviteure vous le racontait, Thiellay attend des efforts de Bercy. Il critique ainsi les “frais de gestion” de 4% ponctionnés par la DGFIP pour collecter la taxe, l’opacité du secret fiscal qui ne permet pas au CNM d’identifier les mauvais payeurs. Il attend aussi de pied ferme la publication de l’instruction fiscale définitive c’est-à-dire la clarification des modalités de la taxe, pour que les plateformes (YouTube, Spotify, Deezer, Meta, TikTok, Spotify…) ne puissent plus la contester.

Sans surprise, Jean-Philippe Thiellay a mis en garde contre la tentation, en ces temps de frimas budgétaire, d’abaisser les plafonds des deux taxes affectées dans le cadre de l’examen du budget, appelant les parlementaires à “accompagner la croissance” du secteur.

INFLUENCEURS

UN PETIT TOUR ET PUIS S’EN VA. Avec sa proposition de loi, déposée mi-septembre à l’Assemblée, la députée Liot Martine Froger a provoqué l’ire des streamers, artistes et freelances en tout genre. Son texte propose de limiter à deux ans le statut de microentreprise. Objectif : encourager, passé ce délai, “la création d’entreprise pérenne et solide”. La déferlante de critiques sur les réseaux par différentes catégories d’autoentrepreneurs — et notamment les influenceurs — a finalement incité l’élue a retiré son texte hier, a appris ma collègue Klara Durand auprès de ses collaboratrices.

Parmi les critiques des freelances : la crainte de voir disparaître un régime qui leur permet de déclarer leur activité indépendante. Et ce, même si elle est trop précaire pour prétendre à un véritable statut d’entreprise. Avec cette PPL, la plupart des autoentrepreneurs craignaient de devoir cesser purement et simplement leur activité.

Consultations. Dans un message que votre infolettre a pu consulter, la députée promet de revoir sa copie. Elle indique avoir été alertée, en premier lieu, par les secteurs de l’artisanat et du bâtiment “qui craignent que l’essor de cet outil de microentreprise puisse créer une distorsion de concurrence” et ainsi nuire aux professionnels. Pour la suite, elle annonce lancer des auditions dans les prochaines semaines afin d’entendre l’ensemble des acteurs concernés “sur l’évolution de ce statut et de sa temporalité”.

DU CÔTÉ DE BRUXELLES

PAS AU GUINNESS BOOK. L’intelligence artificielle, en plein essor, pousse l’Europe à repenser l’emplacement de ses centres de données. Et l’Irlande, qui abrite pourtant les sièges européens de nombreux géants de la tech, pourrait être perdante dans cette course.

Energie du désespoir. “C’est un risque que l’on considère très sérieusement”, a indiqué le député européen Seán Kelly à mon collègue bruxellois Mathieu Pollet. L’élu regrette que son pays n’ait pas réussi à mettre ses capacités énergétiques au niveau pour “l’économie [numérisée] d’aujourd’hui”.

C’est la goutte d’eau. La disponibilité d’énergie à la fois verte et bon marché devient une priorité pour les géants de la tech qui souhaitent implanter des data centers. Ces infrastructures sont en outre très gourmandes en eau, ce qui complique encore l’équation, comme Mathieu vous l’explique dans cet article.

AGENDA

A 10h30, la commission des Finances du Sénat examine le rapport de Laurent Somon et Thomas Dossus sur la mission “investir pour la France de 2030” du budget 2025.

RESTEZ BRANCHÉS

— Les 1 001 péripéties d’Arnaud Montebourg dans la fintech sont racontées par l’Informé.

— L’Union européenne serait sur le point de lancer une enquête sur le site chinois Temu, soupçonné de ne pas pouvoir freiner la vente de produits illégaux sur son interface, révèle l’agence Bloomberg.

— Après le succès des créateurs de contenu comme Hugo Décrypte et Gaspard G, certains journalistes — comme Elise Lucet — tentent à leur tour l’expérience YouTube, relatent Les Echos.

Un grand merci à : notre éditrice Tiphaine Saliou et Jean-Christophe Catalon.