BRUXELLES — Voici les nouveaux éléments de l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur que la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a signé avec les dirigeants sud-américains lors d’un sommet en Uruguay la semaine dernière.
Parmi les principaux éléments figurent un “mécanisme de rééquilibrage”, à déclencher dans des différends quand une mesure empiète sur le commerce, et une disposition qui permettrait de suspendre le deal s’il s’avère qu’une des parties a violé l’Accord de Paris sur le climat, selon des documents publiés par la Commission européenne mardi.
Voici les cinq éléments les plus importants du traité de libre-échange UE-Mercosur :
L’une des principales nouveautés est que l’UE a accordé aux pays du Mercosur un “mécanisme de rééquilibrage”, qui permet une compensation si l’une des parties estime que de nouvelles mesures annulent ou compromettent les avantages de l’accord commercial.
On ne sait pas encore si les pays du Mercosur pourront contester les règles antidéforestation prévues par l’UE — qui devraient restreindre les importations de produits cultivés sur des terres déboisées — ou sa taxe carbone aux frontières.
Ces deux règles étaient au centre des préoccupations des pays du Mercosur, et ce mécanisme de rééquilibrage — une première dans les accords commerciaux de l’UE — peut être considéré comme une victoire pour les pays d’Amérique latine.
Les parties reconnaissent que “la menace mondiale du changement climatique exige la coopération la plus large possible de tous les pays pour réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre et s’adapter aux effets néfastes du changement climatique d’une manière qui ne menace pas la production alimentaire, les pays développés continuant à jouer un rôle de premier plan.”
Elles réitèrent également leur engagement à mettre en œuvre l’Accord de Paris et à coopérer sur les questions de changement climatique liées au commerce au niveau bilatéral, régional et dans les forums internationaux pertinents.
Cette déclaration générale reflète les souhaits des Européens, et surtout de la France, d’intégrer les préoccupations climatiques dans le traité de libre-échange. Et ce, d’autant plus si l’on garde à l’esprit la menace du président argentin Javier Milei, proférée après la victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine, de se retirer de l’Accord de Paris.
Fait important, cette disposition permet de suspendre le deal commercial, en partie ou en totalité, si l’une des parties constate, sur la base de faits, que l’autre a violé des obligations essentielles au titre de l’Accord de Paris. Les termes du texte prévoient des “consultations urgentes” en vue de trouver une solution mutuellement acceptée, ainsi qu’une période d’examen, avant qu’une suspension n’entre en vigueur.
Les parties s’engagent également à lier le commerce au développement durable dans une annexe qui note que le traité est signé “dans un contexte de crises et de défis sans précédent”. Cette annexe déclarative précise toutefois que chaque partie est responsable de la définition de ses propres priorités en matière de développement durable.
— Droits de douane sur l’automobile
Il faudra entre dix-huit et trente ans pour que les droits de douane sur les importations de voitures vers les pays du Mercosur soient ramenés à zéro. L’Argentine et le Brésil, les deux plus grandes économies de la zone de libre-échange sud-américaine, auront des niveaux de taxes plus élevés que le Paraguay et l’Uruguay.
Les véhicules électriques et hybrides seront ceux qui verront leurs droits de douane baisser le plus rapidement, avec une première réduction de 29% dès l’entrée en vigueur de l’accord. Cela signifie, par exemple, que l’Argentine et le Brésil ne prélèveront que 25%. Ce taux sera ensuite ramené à 5% au bout de quinze ans, puis à zéro après dix-huit ans.
Les voitures à hydrogène ne bénéficieront de leur première ristourne sur les droits de douane que six ans après le début de l’accord. Il faudra ensuite vingt ans pour arriver à zéro.
Enfin, les voitures classiques à moteur thermique continueront d’être taxées jusqu’à la 29e année après l’entrée en vigueur de l’accord. Pendant les six premières, il n’y aura aucune réduction. Compte tenu de l’électrification du secteur des transports, cette suppression progressive est destinée à favoriser les modèles qui ne fonctionnent pas aux carburants fossiles.
Le traité de libre-échange comprend des clauses de sauvegarde sur les importations de véhicules. Elles consisteraient en une suspension temporaire du calendrier de suppression des droits de douane, ou en une réduction temporaire des taux privilégiés accordés aux parties.
“Les clauses de sauvegarde bilatérales pour les véhicules ne seront appliquées que pendant la période nécessaire pour prévenir ou réparer le dommage et pour faciliter l’ajustement de l’industrie nationale”, dispose l’accord. Il précise que ces clauses ne devraient pas être en vigueur pendant plus de trois ans, mais elles peuvent être prolongées de deux années supplémentaires s’il est établi qu’un préjudice persiste.
C’est une victoire importante pour le Brésil, qui a demandé ces mesures de sauvegarde après que l’Union européenne, les Etats-Unis et le Canada ont imposé des droits de douane sur les véhicules électriques fabriqués en Chine — ce qui a fait craindre de plus larges perturbations du commerce international qui pourraient entraîner la redirection d’un flot d’exportations vers les marchés d’Amérique du Sud.
Les exportations brésiliennes de plusieurs matières premières vers l’UE — telles que le nickel, le cuivre, l’aluminium, les produits sidérurgiques, le germanium ou le gallium — ne seront pas taxées.
Si le Brésil décide d’imposer des taxes, les exportations vers l’UE devraient bénéficier d’une ristourne de 50% au minimum et les droits de douane ne devraient pas dépasser 25%, selon l’accord.
De même, l’Argentine n’appliquera pas de taxes à l’exportation sur ses matières premières. En contrepartie, elle bénéficiera de droits de douane à l’exportation pour les produits agricoles.
La région est connue pour les richesses de son sol, l’Argentine faisant partie de ce que l’on appelle le “triangle du lithium”. L’accès aux matières premières était un objectif crucial pour l’UE dans ses négociations avec le Mercosur.
Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais et a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.