Stéphane Séjourné, en mission pour le nucléaire au sommet de l’Europe

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FLAMANVILLE — Stéphane Séjourné, vice-président de la commission européenne chargé de l’industrie, s’est rendu la semaine dernière dans la centrale nucléaire de Flamanville, en Normandie, mais il espère se faire entendre jusqu’à Bruxelles. Son message : il est temps d’écouter les défenseurs du nucléaire.

“Il y a une partie de l’Europe  — qui, je pense, est majoritaire aujourd’hui — qui considère que le nucléaire doit entrer dans notre logique de décarbonation, qui est une logique économique”, a déclaré Stéphane Séjourné à POLITICO, à bord d’un TER qui rentrait à Paris, jeudi soir dernier.

“Le contexte a changé, économique et social. Le contexte politique aussi, et donc il faut pouvoir s’adapter.”

La campagne atomique de Stéphane Séjourné s’inscrit dans le cadre d’une offensive plus large menée par le gouvernement français pour renverser la vapeur en matière d’énergie nucléaire à dans les instances européennes.

L’Union européenne a toujours exclu l’énergie atomique des mesures d’incitation qu’elle accorde aux sources d’énergies renouvelables, comme l’éolien ou le photovoltaïque. Une situation que les défenseurs de l’atome veulent modifier. Leur argument : en tant qu’énergie bas carbone, le nucléaire mérite un plus grand soutien de la part de Bruxelles, pour apporter sa pierre à l’édifice de la transition énergétique.

Aujourd’hui, le gouvernement français peut compter sur Stéphane Séjourné. Le commissaire européen fait pression pour que cette façon de voir soit au cœur du Pacte pour l’industrie verte (Clean Industrial Deal), le futur plan de l’UE pour aider les industries à réduire leurs émissions de carbone, qui doit être présenté le 26 février par Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission.

Le commissaire français n’est pas seul dans sa quête. La guerre en Ukraine, la crise énergétique qui s’ensuivit et le virage à droite de l’Europe – les partis de droite étant plus favorables au nucléaire – sont autant d’arguments qui ont renforcé le statut de l’énergie atomique sur le continent.

A cela s’ajoute le situation politique en Allemagne. Le pays, meilleur ennemi de la France pour tout ce qui touche au nucléaire, est accaparé par son gouvernement démissionnaire, ses élections prévues pour la semaine prochaine et une économie en perte de vitesse. Cela crée une ouverture que les défenseurs du nucléaire ne veulent pas manquer.

Les partisans du nucléaire jettent toutes leurs forces dans la bataille. La semaine dernière, le Medef et les fédérations patronales de treize autres pays d’Europe et du Royaume-Uni ont signé une déclaration demandant un soutien accru de l’UE au secteur nucléaire.

Le nouveau groupe se veut l’équivalent — pour le secteur privé — de l’Alliance nucléaire, au sein de laquelle une douzaine de pays membres de l’UE, le gouvernement français en tête, se rencontrent régulièrement lors des réunions des ministres de l’Energie à Bruxelles.

Il y a une “logique économique” à relancer l’énergie nucléaire en Europe, explique Stéphane Séjourné, qui estime qu’il s’agit d’un atout compétitif.

L’électricité d’origine nucléaire “est décarbonée, elle nous permet d’atteindre notre [objectif] de souveraineté européenne, elle fait baisser le prix aussi parce que la quantité de production est quand même énorme”, fait-il valoir.

Pourtant, les derniers réacteurs nucléaires construits ou en cours de construction en Europe ont tous connu des retards importants et des dépassements de coûts. Une situation qui soulève des questions quant à la capacité de l’industrie de pouvoir livrer de nouveaux réacteurs dans les délais et les budgets impartis.

Le dernier réacteur d’EDF construit à Flamanville, que Stéphane Séjourné a visité cette semaine, est devenu le symbole des difficultés de l’industrie. La construction a duré 17 ans au lieu de cinq et a coûté sept fois plus que prévu, selon un récent audit de la Cour des comptes.

Bien que les représentants de l’industrie affirment qu’ils peuvent aller plus vite si on leur donne des objectifs clairs et inamovibles, ces difficultés ont incité les autorités françaises à faire preuve de prudence.

Si gouvernement français si tient prêt à approuver le financement public de six nouveaux réacteurs nucléaires, il le fera notamment à condition qu’ils produisent de l’électricité à des prix “compétitifs” par rapport aux sources d’énergies renouvelables comme l’éolien offshore, a récemment confié à POLITICO Joël Barre, le haut fonctionnaire chargé de superviser la relance du nucléaire en France.

Et même si les vents politiques semblent souffler en faveur de Stéphane Séjourné, son prosélytisme nucléaire sans fard pourrait s’accompagner de risques politiques.

Lorsqu’on lui demande s’il craint de se mettre à dos certains de ses collègues commissaires européens, l’ancien ministre français des affaires étrangères — qui est un proche du président Emmanuel Macron — répond qu’il a été envoyé à Bruxelles “pour faire bouger les lignes”.

“Il faut respecter ceux qui ne sont pas de cet avis, c’est pour ça qu’il y a des discussions, ajoute Stéphane Séjourné, un drapeau de l’UE épinglé au revers de sa veste. Après, ça n’empêche pas d’assumer une parole forte sur ce sujet de la part du commissaire français.”

Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais et a été édité en français par Alexandre Léchenet.

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